Par Philippe Delpech, Sonepar President & CEO
De nombreuses entreprises redoutent de faire des acquisitions. Dilution de l’identité de marque, prix excessif, échec de l’intégration : tous ces risques suscitent des inquiétudes légitimes. L’expérience est indispensable, et en tant que groupe international, Sonepar n’en manque pas.
Entre 2021 et 2024, nous avons réalisé 21 acquisitions en Amérique du Nord, sous l’impulsion d’une équipe locale talentueuse, et grâce à mon expérience approfondie du marché nord-américain et des opérations d’acquisitions. Au long de ma carrière dans des secteurs variés, j’ai pu observer quantité d’acquisitions, les unes menées à bien avec brio, les autres vouées à l’échec.
Alors, comment faire un coup gagnant ? La réussite repose sur cinq piliers : la connaissance du marché, l’adéquation stratégique, la négociation, l’intégration, et enfin la compréhension de la culture d’entreprise. Ces cinq éléments doivent s’intégrer en un processus bien conçu, et à cet égard, je crois que Sonepar excelle dans ce domaine.
Acquérir la connaissance du marché
Autrefois, les opportunités se limitaient aux contacts personnels. Aujourd’hui, avec la taille et la réputation de Sonepar, nous sommes constamment sollicités par des intermédiaires. Quelle que soit votre taille, vous pouvez toujours approfondir votre connaissance du marché : tissez des liens avec des banquiers, courtiers et cabinets de conseil ; puiser dans les informations accessibles en ligne, ou encore investir pour développer son réseau de cadres dirigeants. Les relations sont importantes, mais la clé, c’est la connaissance du marché.
Les collaborateurs veulent savoir : Qu’est-ce que cela implique pour moi ? Mon poste va-t-il évoluer ? Puis-je avoir confiance en ma nouvelle direction ?
Adéquation stratégique
Les approches conventionnelles se concentrent sur les multiplicateurs financiers. Le problème est qu’une entreprise qui se vend à 5 fois ses bénéfices paraîtra être une bonne affaire, par rapport à un concurrent qui se vend à 10 fois ses bénéfices. Pourtant, l’entreprise la moins chère n’est pas forcément la bonne affaire. Chez Sonepar, nous utilisons des outils d’analyse détaillée, et notamment concernant les synergies. Attention à l’idée d’acheter une entreprise pour compenser ses faiblesses : cela mène souvent à une intégration fragile. Les synergies doivent être logiques et réalisables par l’équipe. Une entreprise chère peut être une bonne affaire, et inversement.
Négocier habilement
Ensuite, les négociations commencent. Ce n’est pas un jeu à somme nulle ; les compétences relationnelles sont cruciales. Votre équipe dirigeante doit parvenir au subtil équilibre entre trois exigences : gagner les cœurs, être transparent et protéger les intérêts. Un manque d’honnêteté, et votre partenaire n’aura pas une vision d’ensemble de la situation ; trop d’honnêteté, et vous risquez d’être perçu soit comme un magouilleur soit comme un ogre.
Mon expérience à ce sujet m’a appris qu’une heure avec le PDG vaut plus qu’une dizaine de rapports annuels.
Le rôle du leadership local dans l’intégration
Un aspect souvent négligé est le rôle du leadership local. Chez Sonepar, le directeur pays est central dans le processus. Pourquoi ? Parce qu’une acquisition n’est pas un processus abstrait. Elle a lieu à un endroit concret, avec des personnes réelles. Le leader local comprend le marché local, les nuances culturelles, ainsi que les réalités opérationnelles. Il est le mieux placé pour évaluer la faisabilité de l’intégration. Lorsqu’il mène la négociation et l’intégration, les chances de succès augmentent. Il apporte crédibilité, contexte et continuité. Les acquisitions sont aussi une histoire d’affect : elles représentent des années de travail, d’identité et de fierté. Les collaborateurs veulent savoir : Qu’est-ce que cela implique pour moi ? Mon poste va-t-il évoluer ? Puis-je avoir confiance en ma nouvelle direction ?
La communication est essentielle. L’équipe de direction doit être visible, accessible et transparente. Durant la première semaine, nous appliquons un processus bien établi, presque militaire. Le jour de l’acquisition, nous tenons une réunion plénière avec les collaborateurs, où nous présentons les détails et les avantages du changement en cours. Cela implique la présence des cadres dirigeants de Sonepar – parfois venus de loin – et, la direction de l’entreprise acquise.
La culture, un aspect à ne pas négliger
Mon expérience à ce sujet m’a appris qu’une heure avec le PDG vaut plus qu’une dizaine de rapports annuels. Une conversation franche avec révèle les priorités, le style de leadership, l’éthique, etc. Cela permet de comparer immédiatement avec notre culture. Il faut aussi savoir valoriser la culture acquise. Par exemple, une entreprise forte avec les petits clients ou dans l’éclairage mérite qu’on comprenne ses forces dès le départ, pour les développer. On ne réussit pas toujours parfaitement une acquisition, mais avec une planification rigoureuse et un focus sur les bons leviers, on maximise ses chances de succès.
Réussir une acquisition demande du talent et de la discipline.