Par Philippe Delpech, Président Sonepar
Tout l’art de l’intelligence artificielle (IA), consiste à optimiser une base de données via des algorithmes mathématiques pour permettre d’accélérer et d’améliorer la prise de décisions.
Je me souviens que l’IA faisait déjà parler d’elle dans les années 1980, à une époque où l’on commençait à exploiter la puissance de calcul des ordinateurs pour traiter des données, principalement à des fins scientifiques. Mais ce n’est que depuis quelques années que l’IA est devenue un enjeu majeur à grande échelle, notamment grâce à la commercialisation à prix abordables d’ordinateurs performants, de systèmes de cloud et de bases de données organisées.
Comme pour tout sujet de société, le monde semble se diviser en deux catégories : ceux qui misent sur les opportunités que l’intelligence artificielle peut offrir et ceux qui craignent les risques qu’elle comporte. La surveillance généralisée qu’elle peut engendrer va-t-elle menacer notre vie privée ? L’IA va-t-elle faire disparaître des emplois dans des domaines qualifiés et bien payés ? Ou pire encore, à force de sophistication croissante, va-t-elle finir par échapper à ses créateurs et prendre le dessus sur l’humanité ? C’est vrai, l’emploi de l’IA n’est pas sans risque, mais je suis persuadé que, si nous voulons que nos entreprises restent florissantes et compétitives, il nous faut admettre qu’elle est une avancée colossale. J’irais même plus loin : nous devons considérer l’intelligence artificielle comme une alliée, et non comme une menace.
En tant que chef d’entreprise, je dois m’assurer des résultats opérationnels au jour le jour, mais aussi analyser les macro-tendances et agir en conséquence. Commençons par prendre un peu de recul. S’il est vrai que dans un premier temps l’intégration de l’IA dans la vie des entreprises ne se fera pas sans douleur, je suis convaincu qu’à plus long terme, nous n’aurons pas d’autre choix que de tirer parti de sa puissance. Pourquoi ? Parce que dans les pays développés, notamment aux États-Unis et en Europe de l’Ouest, le vieillissement de la population va s’accentuer, ce qui se traduira inévitablement par une contraction de la main-d’œuvre. Les effets ne sont peut-être pas encore tangibles, mais je suis certain qu’ils constitueront un défi majeur pour tous les chefs d’entreprise au cours des prochaines décennies.
Grâce à l’IA, nous pouvons gérer nos stocks avec une efficacité qui était inconcevable il y a encore quelques années ; cela transforme en profondeur notre service client.
Mais si l’on admet que l’IA est indispensable, nous sera-t-elle pour autant utile ou nuisible ? Je crois pour ma part qu’elle sera indéniablement utile à Sonepar. Je suis convaincu que sa mise en œuvre va bien au-delà des simples objectifs de compression des coûts et de gains de productivité dont se contentent certaines entreprises. Les dirigeants devraient plutôt chercher à intégrer l’IA dans l’ensemble de l’entreprise, en amont et en aval de la chaîne d’approvisionnement, afin de faciliter la vie de leurs clients et de leurs collaborateurs.
Pour bien comprendre les implications de l’IA, il faut en connaître les composantes essentielles :
- Les bons algorithmes : cette idée n’est pas vraiment révolutionnaire, puisque la plupart des algorithmes sur lesquels repose l’IA moderne existaient déjà à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.
- La puissance de calcul, qui évolue à toute vitesse depuis le début des années 1990. Ce n’est pas une coïncidence si, après avoir remporté son premier match contre le superordinateur Deep Blue d’IBM en 1996, le grand maître d’échecs Garry Kasparov a été battu à plate couture lors du match retour, dès 1997 ! Or, la puissance des ordinateurs de l’époque était infime comparée à celle des machines d’aujourd’hui.
- Le cloud, qui quant à lui a réellement changé la donne. Si vous devez stocker d’immenses volumes de données sur vos produits, vos services ou vos clients, et ce à des prix compétitifs, il vous faut un système qui soit accessible rapidement et depuis n’importe où.
- La qualité des bases de données : c’est sans doute le pilier le plus important pour toute entreprise, en particulier pour la nôtre. C’est aussi celui que nous maîtrisons le mieux et qui demande le plus d’efforts. Sans une base de données « propre », il est impossible d’améliorer véritablement vos performances, quelles que soient la puissance de calcul de vos machines et la sophistication de vos algorithmes.
Nous sommes le premier groupe de notre secteur à réunir ces quatre piliers dans notre environnement opérationnel sur plus de 40 pays. Et cette infrastructure, nous l’avons déployée en nous focalisant sur un objectif unique : le service client. Lorsqu’on adopte cette approche, la réussite vient d’elle-même, parce qu’on se démarque des autres et qu’on gagne des parts de marché.
Je ne parle pas seulement d’entretenir de bonnes relations avec la clientèle ou d’accepter les retours de commandes. Dans le monde actuel, le service client, c’est la vitesse. Aujourd’hui, le consommateur B2C est habitué à tout obtenir instantanément. Vous pouvez commander n’importe quel produit en ligne et être livré le jour même. Les consommateurs B2C sont aussi ceux qui travaillent dans le B2B. Ainsi, un jeune électricien aura les mêmes attentes dans sa vie professionnelle que sa vie personnelle. On peut certes déplorer une culture de la « gratification instantanée », mais une chose est certaine : la tendance n’est pas près de s’inverser, que ce soit dans le B2B ou dans le B2C.
Dès lors, comment tirons-nous parti de la puissance de l’IA chez Sonepar ? Tout d’abord, à travers l’automatisation de la chaîne d’approvisionnement et la gestion des stocks. Nous traitons des millions de références dans le monde entier, et la seule manière d’y parvenir avec succès est d’utiliser les outils d’analyse des big data pour inventorier la qualité, le vieillissement et la rotation des produits. De plus, nous sommes en train d’investir 2,5 milliards d’euros pour passer d’un modèle traditionnel à un modèle de centres logistiques automatisés. Sonepar étend constamment son parc d’entrepôts modernes et est proche de son objectif de 75 centres de distribution centraux capables de gérer des millions de références produit.
Grâce à l’IA, nous pouvons gérer nos stocks avec une efficacité qui était inconcevable il y a encore quelques années ; cela transforme en profondeur notre service client. Mais pour tirer le meilleur parti de ces améliorations apportées à la chaîne d’approvisionnement, il est nécessaire d’avoir la bonne interface, qui permet d’anticiper les besoins et de faciliter la vie des clients, grâce à des interactions intuitives. C’est pourquoi nous investissons 1 milliard d’euros pour améliorer l’expérience client via Spark, notre plateforme omnicanale mondiale développée par la Digital Factory de Sonepar. Dans ce domaine, l’IA n’est pas seulement un soutien, c’est une nécessité.
Si vous avez le courage de réaliser les investissements suffisants et que vous gérez la transition avec soin, elle vous permettra de réaliser d’énormes gains de productivité et de satisfaire vos clients.
Notre approche en matière de service client consiste à utiliser l’IA pour supprimer tout un ensemble de tâches fastidieuses qui auparavant devaient être réalisées manuellement (et laborieusement !). Prenons par exemple le pricing. Contrairement à beaucoup d’entreprises B2C, nous n’avons pas un prix de marché unique pour nos produits. Le prix dépend d’un ensemble de facteurs, tels que l’entreprise du client, l’ampleur du projet, ou encore les prix pratiqués par la concurrence. Par le passé, c’était à nos collaborateurs de déterminer le prix proposé en s’appuyant sur des informations limitées. Dans ces conditions, prendre en compte tous les paramètres afin de parvenir à une décision basée sur une réflexion rationnelle et non sur des intuitions était quasiment mission impossible. Aujourd’hui, chez Sonepar, ce travail est effectué par une IA. Cela permet de garantir, pour nous comme pour nos clients, que le prix établi est fixé via une démarche rationnelle.
Un autre domaine qui bénéficie pleinement de l’IA est celui de l’offre technique. Prenons le cas d’un client qui souhaite installer des panneaux solaires sur son toit. Par le passé, l’un de nos commerciaux aurait recueilli toutes les caractéristiques de la zone concernée, réfléchi aux différentes solutions possibles et, après une multitude de calculs, aurait présenté une proposition. Pour nous, cette époque est révolue. Aujourd’hui, grâce à Google Earth, nous pouvons évaluer le site immédiatement et utiliser l’IA pour explorer les options et proposer la meilleure solution. Résultat ? La certitude d’avoir trouvé la meilleure option, et un client qui obtient sa proposition bien plus rapidement.
Pour conclure, si vous êtes responsable d’entreprise, n’ayez pas peur de l’intelligence artificielle, elle ne va pas anéantir le savoir-faire de vos collaborateurs ni laisser votre service client aux mains de machines indifférentes. Au contraire, accueillez-la ! Si vous avez le courage de réaliser les investissements suffisants et que vous gérez la transition avec soin, elle vous permettra de réaliser d’énormes gains de productivité et de satisfaire vos clients.
Si vous cherchez à vous démarquer et à développer votre activité, l’IA est sans conteste votre alliée – à condition bien sûr de vous y adapter.