Par Philippe Delpech, Président Sonepar
L’intérêt des entreprises pour les questions de diversité et d’inclusion (D&I) n’est pas nouveau. Dans les années 1990, quand j’étais directeur commercial et marketing chez ABB, cette société était déjà avant-gardiste dans ce domaine, avec des objectifs visant à recruter davantage de femmes ingénieures et des initiatives novatrices, comme le congé paternité. C’était il y a 30 ans, et étant donné que les entreprises revoient leur stratégie tous les deux ou trois ans, on pourrait s’attendre à ce que le problème de la mixité n’en soit plus un. C’est pourtant loin d’être vrai : il y a des progrès, mais ils sont lents et incomplets.
Comment l’expliquer ? Le fait est que pour de nombreuses sociétés, la D&I n’est qu’une affaire de cases à cocher. Ainsi, lorsque sous la pression d’investisseurs ou de la société civile, les entreprises expriment de nobles intentions, ce ne sont, en général, que des intentions.
Il est tout aussi vain de vouloir compter sur des contraintes externes. Quand je travaillais aux États-Unis, la bourse imposait aux entreprises de faire du reporting sur leurs indicateurs de D&I. Mais cela n’a pas changé grand-chose : disposer d’indicateurs de performance n’est pas toujours synonyme de performance. Ces défis sont par ailleurs liés à des problèmes sociétaux plus vastes sur lesquels les entreprises n’ont que peu de prise. À quoi bon fixer des cibles très ambitieuses pour recruter des femmes ingénieures alors que les femmes sont largement sous-représentées dans nos écoles d’ingénieurs ?
Que faire face à ces obstacles ? À force d’observer les démarches D&I dans divers contextes, j’ai compris que la solution résidait dans ce que j’appelle « l’effet boule de neige ». Prenez une boule de neige et essayez de la faire rouler le long d’une pente : au début, elle ne roulera pas du tout. Mais si, dès le départ, vous fournissez un effort suffisant pour l’aider à accumuler de la neige, elle atteindra la bonne taille, se mettra en mouvement et finira par dévaler la pente à toute allure. Cet effet boule de neige présente deux avantages pour les entreprises. D’une part, alors qu’il faut 10 à 15 ans de travail pour rendre une entreprise pleinement diversifiée et inclusive, un effort initial intense peut offrir des résultats concrets en l’espace de deux ou trois ans, ce qui donne de l’élan à la boule de neige. D’autre part, les premiers succès montreront clairement aux managers et aux tiers l’orientation choisie par l’entreprise en termes de D&I.
Notre volonté est de bâtir une entreprise capable de voir dans les différences de nos collaborateurs une véritable force et d’en tirer parti pour aller vers une performance durable.
L’effet boule de neige repose selon moi sur trois principes clés :
Faire de la D&I un enjeu stratégique : pour réaliser de véritables progrès, la D&I doit devenir une priorité stratégique défendue au niveau du conseil d’administration. C’est peut-être une évidence, mais elle vaut qu’on la souligne, car ce changement de perspective est suivi d’effets profonds. Il faut que la direction soit convaincue que la D&I est importante et qu’elle peut apporter un avantage concurrentiel à l’entreprise.
Développer un plan d’action, communiquer et rester cohérent : la volonté de la direction doit être claire à tous les échelons de l’entreprise. L’expérience m’a montré que la D&I est un enjeu global qui ne concerne pas uniquement les managers et les départements RH. Il faut établir une feuille de route claire et réaliste, qui combine des actions de court terme et de long terme ; les progrès de court terme étant particulièrement importants pour montrer aux collaborateurs que l’on gagne du terrain. Cette stratégie doit aussi inclure une communication interne claire à tous les niveaux, une cohérence absolue entre toutes les unités et un travail de répétition et de renforcement.
Transformer la culture : presque universelle il y a 50 ans, la structure d’entreprise classique de type hiérarchique fonctionnait bien dans un monde où les changements arrivaient à pas lents et où les services de planification pensaient pouvoir anticiper les tendances des décennies à l’avance. Aujourd’hui, les jeunes collaborateurs, qui sont à bien des égards la clé d’une entreprise diversifiée et inclusive, s’attendent à pouvoir parler directement à la direction. J’en ai fait l’expérience à deux reprises récemment, lors d’événements internes. Dans les deux cas, la parole des jeunes qui m’interrogeaient était libre et franche, tout à fait respectueuse mais aussi provocatrice. Cette audace m’aurait paru inimaginable au début de ma carrière, mais je m’en réjouis aujourd’hui : et il faut dire que c’est efficace !
Si vous êtes concerné par la D&I dans votre vie professionnelle, je vous invite à réfléchir à la boule de neige de votre entreprise : quelle est sa taille et à quelle vitesse roule-t-elle ?
Je crois que Sonepar fait de beaux progrès dans tous ces domaines. Notre volonté est de bâtir une entreprise capable de voir dans les différences de nos collaborateurs une véritable force et d’en tirer parti pour aller vers une performance durable. Cela implique de créer un environnement inclusif, sûr et bienveillant, où tous les collaborateurs puissent se réaliser pleinement et où les clients se sentent valorisés. C’est pour cette raison que nous avons placé la D&I au cœur de nos priorités, en élaborant une stratégie spécifique grâce aux conseils d’experts spécialisés, et surtout, au soutien de notre comité exécutif et de nos actionnaires. Récemment, ces efforts ont été reconnus car pour la première fois, Sonepar a intégré le classement des « 2024 Diversity Leaders » du Financial Times.
Cette stratégie est reflétée par notre feuille de route, un outil essentiel pour sensibiliser les collaborateurs et les managers, et pour consolider et communiquer les initiatives D&I dans tous les pays où nous sommes présents. Promouvoir une diversité transversale permet d’accélérer l’effet boule de neige, car se savoir représentés à tous les niveaux incite les talents à vouloir rejoindre l’entreprise, y rester et y évoluer. Notre ambition va au-delà des changements internes : nous visons également à impliquer nos fournisseurs dans la démarche D&I de Sonepar et à collaborer étroitement avec les communautés dont les membres sont marginalisés et exclus. Un bon exemple est le partenariat de Sonepar au Chili avec l'ONG RedMaestra et nos fournisseurs Nexans et Schneider Electric, pour créer la première communauté de femmes électriciennes, offrant désormais à une soixantaine de femmes chiliennes un programme de formation certifié.
Si vous êtes concerné par la D&I dans votre vie professionnelle, je vous invite à réfléchir à la boule de neige de votre entreprise : quelle est sa taille et à quelle vitesse roule-t-elle ? Si la réponse n’est pas à la hauteur de vos attentes, il est peut-être temps d’étudier et de travailler certains aspects de votre D&I, comme l’adhésion de votre direction, votre plan d’action ou votre culture de management.